THEMA / L’ECLAIRAGE : Comment prendre soin de la santé mentale des adolescents et des jeunes ?
Comment vont les ados et les jeunes aujourd’hui ? Anxiété, isolement, mal-être… mais aussi mobilisation et nouvelles ressources. Découvrez notre éclairage sur une réalité en pleine transformation : ce qui fragilise les jeunes, mais aussi ce qui les soutient et leur redonne de l’élan.

Depuis la crise COVID, les constats et chiffres alarmants fleurissent au sujet de la santé mentale des jeunes. Si l’on évoque souvent des causes individuelles ou liées à l’environnement de vie, d’autres facteurs, plus larges, reviennent fréquemment : crises sanitaire, économique, géopolitique, environnementale, précarité étudiante, usage intensif des réseaux sociaux… autant d’éléments qui pèsent sur le moral des jeunes, augmentent les symptômes d’anxiété ou de dépression, et exposent au cyberharcèlement.
Alors, comment aborder cette réalité sans sombrer dans le fatalisme ? Comment transformer cette libération de la parole, cette prise de conscience collective, en levier d’action ? Et si, au lieu de ne regarder que ce qui va mal, on choisissait aussi de renforcer ce qui fonctionne, ce qui soutient, ce qui fait du bien ? Bref, et si on regardait aussi la moitié pleine du verre ?
La santé mentale des adolescents et des jeunes se dégrade
La santé mentale des jeunes : un constat préoccupant
La santé mentale des adolescents et des jeunes s’est dégradée ces dernières années, en France comme à l’international. En 2024, l’OMS souligne qu’à l’échelle mondiale, un jeune âgé de 10 à 19 ans sur sept souffre d’un trouble mental. La dépression, l’anxiété et les troubles du comportement sont parmi les principales causes de morbidité et de handicap chez les adolescents, et le suicide est la troisième cause de décès chez les 15-29 ans.
L’amplification de la pandémie
La crise sanitaire et ses conséquences ont apporté leur lot de chiffres frappants. Par exemple, près d’un enfant sur six a eu besoin de soins pour un motif psychologique entre mars 2020 et juillet 2021 ; le nombre de tentatives de suicide a augmenté de 30% chez les 11-17 ans entre 2019 et 2021. En 2021, 24 % des lycéens français déclarent des pensées suicidaires, 13 % avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie et environ 3 % une tentative avec hospitalisation.
L’enquête Coviprev, menée par Santé publique France entre mars 2020 et décembre 2022, a aussi montré des taux élevés de symptômes d’anxiété (43 %) et de dépression (22 %) chez les 18-24 ans, qui ont perduré après la fin de la pandémie de Covid-19. Mais dans l’ensemble, les indicateurs de santé mentale se sont dégradés progressivement, avec un pic au moment de la crise sanitaire. Si l’on prend l’exemple des étudiants, on constate qu’ils étaient déjà vulnérables bien avant : depuis 1994, les enquêtes Conditions de vie des étudiants, menées par l’Observatoire de la Vie Étudiante (OVE), le mettent en avant régulièrement.
Le milieu scolaire, un facteur central
Concernant le milieu scolaire, l’enquête EnClass 2022 montre qu’en France le vécu scolaire se dégrade globalement au cours du secondaire et plus particulièrement durant les années collège. Or, le milieu scolaire est l’un des milieux de vie principaux des jeunes et est particulièrement structurant pour leur santé mentale.
Parallèlement, des phénomènes nouveaux voient le jour parmi la population, en touchant tout particulièrement les jeunes, comme par exemple l’éco-anxiété.
Quand les jeunes parlent enfin de leur mal-être
On peut percevoir des aspects positifs dans ces constats : si la dégradation des indicateurs concernant les troubles ou le mal-être des jeunes peut être interprétée comme une augmentation de la fréquence des facteurs de risque et des problèmes, elle peut aussi témoigner d’un meilleur repérage, lié notamment à une libération progressive de la parole. Cet accroissement des problématiques permet aussi de les mettre en lumière, et donc d’en parler, de partager des ressources, et de chercher de l’aide.
Des différences entre filles et garçons et selon le milieu social
Genre et milieu social : des inégalités marquées
Comme dans l’ensemble de la population, certaines catégories de jeunes sont plus exposées au mal-être et aux troubles psychiques. Être une fille et/ou issu d’un milieu social défavorisé augmente globalement le risque d’avoir une santé mentale plus fragile, même si des nuances existent.
L’enquête Epicov, menée auprès des enfants et adolescents de 3 à 17 ans, met en évidence une forte disparité selon le milieu social : les difficultés psychosociales sont plus fréquentes chez les enfants des foyers les moins aisés. Ces inégalités se manifestent aussi dans l’accès aux soins, influencé par le niveau d’études des parents, la situation migratoire ou encore le lieu de résidence.
Des écarts visibles dès l’enfance
Les différences entre filles et garçons apparaissent dès l’enfance. Les garçons présentent davantage de troubles externalisés — hyperactivité, troubles du comportement, inattention — qui tendent à diminuer avec l’âge. Les filles, elles, développent plus souvent des troubles émotionnels — anxiété, tristesse — qui ont tendance à augmenter au fil du temps.
À l’adolescence, cette tendance se confirme : les jeunes filles restent plus exposées à ces troubles que les garçons, dont les indicateurs, eux, s’améliorent. D’autres études soulignent également une progression inquiétante des troubles anxieux et dépressifs chez les adolescentes et les jeunes femmes.
L’environnement de vie joue également un rôle : les adolescents vivant dans des zones à forte densité de population présentent davantage de difficultés relationnelles et de moindres aptitudes prosociales.
Vécu scolaire : des écarts de bien-être dès le secondaire
Dans le cadre scolaire, les écarts entre filles et garçons sont marqués. Selon EnClass, les filles ont un vécu scolaire nettement moins favorable que les garçons, et leurs indicateurs de bien-être se détériorent au cours de leur scolarité. En 2018, 41 % d’entre elles étaient à risque de dépression, contre 23 % des garçons ; 13 % présentaient des symptômes nécessitant des soins, contre 5 % des garçons.
Concernant le harcèlement scolaire, les plus touchés sont les garçons vivant avec un seul parent, dans un quartier prioritaire, avec au moins un adulte au chômage dans le foyer.
Enfin, chez les étudiants, les disparités persistent : 35 % des femmes ont connu un épisode de détresse psychologique, contre 13 % des hommes.
Des différences face au risque suicidaire
Les données de l’INJEP, dans le dossier Chiffres clé de la jeunesse 2024, confirment aussi des différences frappantes en matière de pensées suicidaires et de tentatives de suicide : si les hommes se suicident davantage, les femmes sont beaucoup plus nombreuses à déclarer des pensées suicidaires ou à avoir déjà fait une tentative. En 2021, chez les 18-24 ans, les femmes étaient deux fois plus nombreuses que les hommes à rapporter ces expériences.
L’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte : une période charnière, avec ses risques et ses potentialités
Adolescence et début de vie adulte : un moment clé
L’adolescence est une période de bouleversements pendant laquelle peuvent apparaitre des signes de mal-être et des troubles psychiques. Près de la moitié des troubles mentaux qui perdurent à l’âge adulte se manifestent avant l’âge de 14 ans[1], et 75 % de ces difficultés apparaissent avant 25 ans. Il est bien sûr important de repérer les problèmes le plus tôt possible, pour proposer un accompagnement adapté afin de minimiser l’impact de ces troubles sur la vie quotidienne et l’avenir du jeune.
Une période à risque… mais pleine de possibles
Rappelons-nous aussi que si cette période de vie comporte des risques, c’est aussi parce c’est une période de construction où l’individu évolue rapidement, une période de découvertes et de changements : on est réceptif à ce qui est renvoyé et mis en place par les personnes qui nous entourent. C’est donc aussi un moment très propice pour agir pour l’épanouissement des jeunes ! (voir exemples d’actions ci-après).
Des indicateurs positifs : oui, il y en a aussi !
Des signes d’optimisme chez les jeunes
Les jeunes de 16 à 24 ans sont globalement satisfaits de leur vie : ils attribuent une note de 7,7 sur 10 à la vie qu’ils mènent actuellement. En 2023, les 18-30 ans interrogés sur leur état d’esprit ont pu montrer qu’ils étaient optimistes, avec des mots positifs (bien, heureux, serein, motivé) plus largement mentionnés que des mots négatifs.
Une jeunesse engagée, optimiste et connectée ?
L’engagement et la recherche de sens, dans une dimension collective, peuvent être à la fois des signes d’une bonne santé mentale et constituer des facteurs protecteurs. Les jeunes, sur ce point, ne sont pas en reste : 3 jeunes de 16 à 30 ans sur 10 ont donné une partie de leur temps bénévolement pour une association (sport, jeunesse, éducation…) ; ou encore, parmi les 16-18 ans, un jeune sur cinq dit avoir participé à une marche pour le climat.
Concernant l’usage du numérique, si les risques sont souvent mis en avant, le numérique permet aux jeunes de prendre la parole, de s’engager, de défendre des causes, de se mobiliser collectivement. Leur engagement en ligne est d’ailleurs plus élevé que celui de leurs aînés, un signe supplémentaire de leur capacité à s’impliquer et à faire bouger les lignes.
Agir pour la santé mentale des jeunes
Agir quand ça va bien, agir quand ça va mal
La santé mentale évolue tout au long de la vie, pouvant osciller entre bien-être et mal-être, entre l’absence de troubles psychiques et la présence d’une maladie. Chez les jeunes, de nombreux facteurs influencent ces évolutions. Lorsque l’on travaille auprès de jeunes, on peut, chacun de sa place, agir en faveur de leur santé mentale : en renforçant les facteurs de protection, en favorisant le bien-être, en intervenant en prévention, ou encore en facilitant l’accès à des soins et accompagnements adaptés.
De la promotion de la santé mentale positive à la prévention du suicide, chacun d’entre nous peut agir. Prévenir le suicide, c’est s’inscrire dans une démarche globale, cohérente avec l’ensemble des actions de promotion de la santé mentale. Il ne s’agit pas seulement d’intervenir à l’apparition des signes de mal-être, mais aussi d’agir en amont, en consolidant les ressources personnelles, collectives, environnementales ou systémiques.
Renforcer les ressources personnelles
Ces ressources peuvent prendre des formes diverses : forces de caractère, valeurs, compétences psychosociales, relations sociales ou familiales, centres d’intérêt, engagements personnels… Autant de leviers qui ont du sens pour les jeunes et qui peuvent contribuer à leur épanouissement.
Changer de regard
En promotion de la santé mentale, il est essentiel de sortir d’une approche exclusivement centrée sur l’individu. Donner des compétences aux jeunes ne suffit pas s’ils sont ensuite tenus seuls responsables de leur santé mentale. Dans un cadre scolaire, par exemple, cela signifie prendre en compte l’ensemble de la communauté éducative : élèves, équipes pédagogiques, personnel, organisation de la vie collective, climat scolaire, aménagement des espaces… Tous ces éléments jouent un rôle dans le bien-être mental.
Créer un environnement favorable : un enjeu collectif
La santé mentale des jeunes dépend aussi largement de leurs conditions de vie. Les politiques publiques ont un rôle déterminant : logement, éducation, santé, formation, emploi, mobilité, engagement citoyen, accès aux loisirs… Tous ces domaines peuvent contribuer à construire un environnement propice au bien-être.
La santé mentale est un bien commun. Elle ne dépend pas uniquement de choix individuels, mais aussi des réalités sociales, économiques, culturelles et politiques qui nous entourent. C’est un enjeu profondément collectif, qui nous concerne tous.
RESSOURCES ET REPERES
De nombreux dispositifs d’aide existent pour les jeunes confrontés au mal-être ou aux troubles psychiques.
Rédaction : Bénédicte CABROL – Promotion Santé ARA – Avril 2025
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Consultez aussi :

Des projets accompagnés par Promotion Santé ARA

Un Escape Game pour parler de santé mentale avec les jeunes !
Puy-de-Dôme, 2024
Sensibiliser les jeunes aux questions de santé mentale via un escape game, tel a été le défi que se sont lancés les membres du collectif des Semaines d’Information sur la Santé Mentale (SISM) d’Issoire. Pendant les 30 minutes d’enquête, les participants découvrent la vie de Noa, ses tracas (rupture amoureuse, stress…) et ses ressources (amis, sport…). Debriefé avec des professionnels, il permet aux participants de discuter de leur vision de la santé mentale, de partager leurs ressources et d’en découvrir de nouvelles (structures locales, lignes d’écoute…). Testé sur 2 journées festives et auprès d’internes d’un lycée, son caractère ludique pour aborder la thématique a été plébiscité.
Co-construit par le Contrat Local de Santé d’Issoire, l’UNAFAM, l’ADAPEI, l’Association ISIS, le Foyer de Jeunes Travailleurs « La passerelle », l’Education nationale et Promotion Santé ARA 63.

Eco-émotions chez les jeunes
Haute-Loire, 2024
Accompagnés par la fondation ARHM et l’association Unis-Cité, les jeunes volontaires “Ambassadeurs de la Santé Mentale” interviennent auprès d’autres jeunes pour des échanges de pairs à pairs. Dans la Haute-Loire, ils ont été fortement sollicités autour des questions “d’éco-anxiété”. Une journée de sensibilisation sur le thème “éco-émotions et enjeux climatiques” a été proposée par Promotion Santé ARA afin d’apporter un éclairage sur la gestion des émotions et les freins au passage à l’action, mais aussi d’expérimenter des séquences d’animation et repérer les outils pédagogiques disponibles dans nos centres ressources.

Bien-être des lycéens
Loire, 2024
L’équipe pédagogique du lycée Albert Thomas à Roanne a repéré des élèves souffrant de troubles anxieux. Nous avons réfléchi ensemble à la mise en place de six séances axées sur la connaissance de soi et la gestion du stress. Un livret a été créé et remis à chaque participant. La CPE a coanimé les séances et en organisera de nouvelles pour d’autres élèves en 2025. Les participants ont été associés pour réfléchir au réaménagement de l’établissement en l’axant sur le bien-être des élèves en classe et dans le lycée. Un financement obtenu par le lycée a ainsi permis la création d’une salle où les élèves pourront aller se reposer et souffler quand ils en auront besoin. Ce projet a inspiré d’autres établissements scolaires de la Loire qui ont sollicité à leur tour l’équipe locale de Promotion Santé ARA.

Prevention du suicide des adolescents
Haute-Savoie, 2024
Depuis 2019, Promotion Santé ARA co-anime le réseau de prévention des conduites suicidaires à l’adolescence de la Haute-Savoie, avec la Maison des Adolescents (MDA) Rouge Cargo et l’Education nationale. Ce réseau regroupe des professionnels œuvrant auprès des adolescents, dans l’objectif de créer de l’interconnaissance entre les personnes investies dans le réseau, partager des savoirs et des expériences sur la prévention du suicide, lutter contre les idées reçues et informer les professionnels via des actions telles que des ciné-débats, conférences, théâtre d’impro…
Témoignage d’un membre du réseau (2022) : « Le réseau me permet d’échanger sur mes pratiques, et de voir que je ne suis pas seul dans l’accompagnement d’ados en souffrance ».

Accompagnement du Conseil Municipal des Jeunes de Bourgoin-Jallieu
Isère, 2022
Harcèlement, mauvaises notes, relations amicales et amoureuses conflictuelles, mal-être, comportements à risque, addictions… Face à ces réalités, le Conseil Municipal des Jeunes (CMJ) de Bourgoin-Jallieu a souhaité mettre en place des ateliers bien-être à destination des collégiens.
Avec l’appui de Promotion Santé ARA, ces jeunes impliqués dans le CMJ ont pu construire des ateliers à destination de leurs pairs et s’entraîner à les co-animer : un atelier pour définir ensemble ce qu’est la santé mentale et un atelier pour découvrir des techniques et ressources pour prendre soin de soi. Les jeunes ont ensuite pu animer ces ateliers dans 2 collèges, un centre de loisirs et l’espace sénior de Bourgoin-Jallieu. Au total, 2 professionnels et 8 jeunes ont été accompagnés, et 50 jeunes ont été sensibilisés.
Des projets développés par d’autres acteurs

We Care : une appli pour le bien-être mental des 18-25 ans
Cette application, développée sous la commande de Promotion Santé Bourgogne-Franche-Comté, te propose en 5 minutes par jour des activités variées pour “évaluer ton bien-être et l’amener à un niveau supérieur, développer tes capacités à faire face aux difficultés de la vie : se relaxer, prendre du temps pour soi, apprivoiser ses émotions… » :
- “une aventure à la découverte de toi, de tes forces, et de nouvelles possibilités”
- “t’aider à utiliser tes propres ressources et en acquérir de nouvelles pour maintenir l’équilibre et garder le cap »

Formation Premiers Secours en Santé Mentale JEUNES
C’est une formation citoyenne d’une durée de 2 jours, destinée aux adultes qui travaillent ou vivent avec des adolescents et jeunes majeurs, qui a pour objectif de permettre un repérage plus adapté des troubles de santé mentale ainsi qu’un accompagnement vers le soin.
Les services en santé mentale de Promotion Santé ARA

Promotion Santé Auvergne-Rhône-Alpes vous propose une gamme de services pour vous accompagner dans vos projets de promotion de la santé mentale, dans tous les départements de la région. Découvrez nos formations et ateliers, nos accompagnements méthodologiques, nos publications et outils ainsi que nos sélections documentaires sur notre site internet.
Interview réalisée pour la lettre Interactions Santé THEMA – Mai 2025
Voir aussi L’INTERVIEW : « Les réseaux sociaux agissent comme un amplificateur »